Je viens de rentrer à Paris après quelques jours chez ma maman en Bretagne. En cette période de Toussaint, nous avons fait la tournée des tombes afin de s’y recueillir en y déposant de beaux chrysanthèmes. J’ai perdu ma Grand-Mère quand j’avais 12 ans, ma nounou quand j’en avais 17, mon oncle quand j’en avais 20… Tant de décès bouleversants mais que j’ai réussi à accepter avec le temps. Il y a une tombe où je ne me rends pas en cette période, car elle est loin, dans le sud de la France. Loin de ma Bretagne d’origine et loin de Paris où je vis. Pourtant je pense chaque jour à la personne qui y repose; il s’agit de mon Papa.
C’est très dur de perdre un parent. On ne s’en remet jamais. J’avais 20 ans, j’étais en Erasmus à Bristol, entre soirées étudiantes et examens de fin d’années, à des années lumières d’imaginer la nouvelle que j’allais apprendre le 5 juin 2010. Mon père ne vivait pas avec ma mère et moi, mais a été très présent pendant mon enfance et mon adolescence. Il venait me voir à chaque vacances, on s’appelait très souvent et on s’écrivait. Ce qui est pour moi une grande chance aujourd’hui, j’ai de nombreuses lettres et cartes postales d’une valeur sentimentale inouïe en souvenirs. Papa, pour me préserver pendant mes études, ne m’avait pas dit qu’il avait des problèmes de santé qui s’aggravaient au fil des mois. J’aurais pu venir quand son état s’est dégradé, j’aurais pu être là près de lui, mais il ne m’a pas appelée, je ne l’ai pas appelé et je vis avec cette impression de l’avoir laissé tomber, de l’avoir abandonné. L’annonce de sa mort a été pour moi un énorme choc, je ne m’y attendais tellement pas, et les mois qui ont suivi un véritable trou noir. J’étais rongée par la colère, la culpabilité, la tristesse, le manque. C’est pendant cette période-là que j’ai créé mon blog de street style; j’avais vraiment trop besoin d’aller vers les autres, et ce blog m’a permis d’aller de l’avant et surtout de me créer un avenir qui me passionne. Pendant quelques temps, je m’en suis plus ou moins sortie et puis d’un coup tout est devenu noir à nouveau, pendant mes gros problèmes de santé d’il y a deux ans dont je vous ai parlé déjà. Je ne pensais qu’à lui, qu’à moi qui n’avais pas été présente et qui l’avais laissé partir sans lui dire une dernière fois que je l’aimais. « Il le savait » m’a-t-on répété maintes fois. Oui, bien sûr mais moi j’avais besoin de lui dire une dernière fois; il est décédé alors qu’on ne s’était pas vu depuis plusieurs mois.
Aujourd’hui après tant de pleurs, tant de culpabilité ruminée, j’ai appris à accepter son choix de ne m’avoir rien dit et surtout à ne plus m’en vouloir de ne pas avoir été là. Il ne voulait pas que je le vois affaibli, amaigri, malade tout simplement. Il m’a préservée pour que je réussisse mon année scolaire. Je lui parle quotidiennement à travers mes pensées, et j’ai l’impression qu’il est là et qu’il m’écoute; à vrai dire, je m’accroche à ma foi. C’est fou car il y a 2 ans justement quand j’étais vraiment mal, j’ai été faire une séance de réflexologie plantaire chez une ancienne infirmière recommandée par mon médecin généraliste. Très versée dans le magnétisme, elle soigne également par les pierres. Quand on rentre chez elle, on met son téléphone en mode avion et on se laisse porter. Je ne connaissais pas cette femme, elle ne savait rien de moi, juste que j’étais mal en point, et avec son pendule m’a dit une première phrase surprenante: « Votre plexus est complètement noué par vos émotions, je sens que vous avez un problème avec votre père ». Choquée par ses mots, je ne réponds rien; pourquoi me parle-t-elle de mon père décédé 4 ans avant alors qu’elle ne me connait pas?! Elle prend son cristal et commence la séance de réflexologie. Après une vingtaine de minutes, elle me dit à nouveau quelque chose de perturbant: « Vous vous sentez accompagnée? ». Je n’ai pas compris tout de suite ce qu’elle sous-entendait, je lui demande de m’expliquer. « Avez-vous perdu un proche et avez-vous l’impression de sentir sa présence près de vous? Car moi je la sens, cet être veille sur vous ». Je crois que c’est à ce moment là que j’ai commencé le processus d’acceptation de sa disparition car je savais qu’il était près de moi et qu’à chaque instant je pouvais lui confier mes peines ou mes joies. Mais je vis quotidiennement avec un manque: sa voix, son odeur, ses baisers, sa présence. Il n’était pas là pour ma remise de diplôme, je ne peux pas lui envoyer mes parutions dans la presse, je ne pourrais jamais lui présenter celui que j’aime, ce n’est pas lui qui m’accompagnera à l’autel quand je me marierai. J’ai d’un coup ressenti le besoin d’aller parler, au bout de 5 ans alors que je répétais sans cesse au début que je n’en avais pas besoin, que cela ne me servirait à rien. J’ai trop attendu pour aller parler de cette perte, j’aurais du y aller dès le début; je n’aurais peut-être pas accumulé autant d’émotions nouées. Par « parler », j’entends se confier à un psychiatre ou psychologue. C’est évidemment le conseil que je donne immédiatement quand des personnes passent par là et me demandent comment j’ai fait. J’ai fait comme j’ai pu mais ça m’a montré que seul, on ne peut pas s’en sortir; cela dépend de chacun bien sûr, mais je pense que pour le décès d’un être si proche, un parent, il faut se faire accompagner par quelqu’un de neutre, d’extérieur, et de professionnel, pour ne pas sombrer comme moi dans une culpabilité si profonde et obsessionnelle qu’on s’en rend malade, même plusieurs années après le décès. Papa est parti il y a plus de 6 ans, et cela fait seulement 1 an que j’accepte son départ. Parfois je rêve de lui « vivant »; c’est terrible de se réveiller et de réaliser que ce n’était qu’un rêve. Il me manque plus que tout. 20 ans, c’est trop jeune pour perdre un parent.
Coucou Marie,
Je te suis depuis ta vidéo pour le meilleur job du monde alors ça fait un moment !
Si tu as besoin je peux aller à Fayence mettre une fleur pour toi ce n’est pas loin de chez moi !
Tu n’es pas obligée de publier ce commentaire c’était juste pour te dire que ça me dérangerai pas d’y aller pour toi ;)
un article vraiment très touchant
effectivement on ne s’en remet jamais
Pour avoir perdu un parent, on y pense souvent , et pleure souvent
gros bisous à toi et courage
En lisant ton article, j’ai été submergée par l’émotion. Je me retrouve dans tes mots car j’ai perdu ma maman tragiquement dans un accident il y a 5 mois, bientôt 6 … Et je ne réalise absolument pas. Enfin j’essaie, parfois je lui parle, je lui écris. Elle me manque terriblement … Il y a un mois je me suis faite tatouer pour essayer de réaliser, j’ai un petit bout d’elle avec moi mais je crois que mon cerveau me protège en ne prenant pas totalement conscience de cela. Comme tu le dis si bien, c’est trop jeune pour perdre un parent. Ma maman était mon pilier, je me référais à elle pour absolument tout donc aujourd’hui je suis plus que perdue sans elle. Mais j’essaie de m’accrocher, en me plongeant totalement dans la photographie notamment. D’ailleurs j’en profite pour dire que ton travail est absolument magnifique, je suis sûre que ton papa serait fière de toi. Pour soulager mon coeur meurtri, je me dis qu’ils veillent sur nous, qu’ils nous accompagnent un peu partout. Je t’embrasse et merci pour cet article si touchant.
Que ton texte est rempli d’émotion. Je crois qu’il fait maintenant parti de tous ce qu’on peut me dire pour que je me rapproche de mon père. J’ai peur de regretter. Tu le dis si bien. Regretter des moments à ses côtés.
Parfois je prends mon téléphone, je lui écris sans espoirs de réponse mais j’écris. Souvent je le blâme mais à chaque réponse de sa part je fais table rase et je répond comme si de rien était. Mon papa je ne le vois que quelques heures par an ou tout les deux ans. Il vit à 7000 km de là et depuis quelques mois j’ai arrêté de lui en vouloir, j’accepte même de dire qu’il me manque. Et pourtant je ne me suis jamais sentie aussi triste et seule que depuis que j’ouvre mon cœur.
Je suis désolée, mes propos semblent si puérils et égoïste sous ce texte. Pourtant, j’avais besoin de m’exprimer. Encore désolée et merci pour ces jolis mots :)
Tu es si touchante !
Bravo à toi pour ce long parcours que tu as fait seule face à ce deuil terrible qui est de perdre un parent.
Ton papa a voulu te protéger tout simplement, pour que tu gardes en toi la plus belle image de lui, loin de se douter que ca te ferait tant culpabilisé.
Je pense que même averti et conscient que cela va arriver, on n’est jamais prêt face à la mort, on s’y refuse et c’est bien normal.
Si j’ai un seul petit conseil à t’apporter c’est que même si aujourd’hui tu sembles avoir fait un long chemin seule face à ça, garde en toi qu’un jour il serait bien de faire une vraie thérapie, car on se sent toujours si fort, jusqu’au jour où…
pleins de bisous
C’est ma maman que j’ai perdu, en ce début d’année… Beaucoup de colère, de culpabilité aussi… Deux sentiments qui ont pris amplement le dessus, du coup très peu de place pour la tristesse, gros sentiment d’incompréhension par rapport à tout ce que je pouvais ressentir, j’étais complètement perdu après ce choc ! Je n’ai pas beaucoup pleuré, ça non plus je ne l’ai pas compris et m’en suis beaucoup voulu ! Il parait que la culpabilité dans le deuil vient du fait que l’on se croit super puissant, en mode « si j’avais dit ou fait telle chose, ça aurait pu le ou la sauver » ! Mais comme on me l’a dit : « l’amour ne sauve malheureusement pas toujours » ! Moi c’est la culpabilité de ne pas avoir été là en sachant son état (encore que je ne soupçonnait pas tout (ma maman avait une grande pudeur), j’ai été beaucoup plus présent les derniers jours, mais j’aurai voulu la rassurer bien avant, la supporter dans sa maladie comme elle a pu me supporter quand j’étais plus jeune… Mais j’étais aussi dans le déni, je voyais mais ne voulait pas voir, dans une période compliquée, remise en question professionnelle et autre relation amoureuse avec quelqu’un qui n’étais pas fait pour moi, là aussi je m’en suis voulu… Tout ce temps à me débattre dans cette relation au lieu d’être plus présent pour elle… Et quelque part, comme m’a dit la psychologue c’est que ma maman devait être contente que je vis ma vie, que je n’arrête pas tout pour elle… Tout ce flot de culpabilité à générer de l’angoisse, le coeur battant horriblement fort lorsque je me couchais, les moments encore aujourd’hui ou elle me manque terriblement et où j’ai du mal à avancer… Je ne vois aujourd’hui plus de psychologue, mais l’entourage joue énormément dans ces moments de douleur ! C’est mon neveu Nathan qui me fait beaucoup de bien lorsqu’il parle de sa grand-mère, du haut de ses 6ans…
Merci pour vos mots et l’opportunité de partage réciproque (c’est comme ça que l’on avance) ! Courage et n’oublier pas la grandeur de votre papa à vouloir vous protéger de la sorte… Je vous embrasse !
Wow je ne peux pas connaître cette douleur d’avoir perdu un proche, mais ton billet m’a explosé à la figure. Une émotion tellement importante que tu arrives à faire passer à travers les mots, j’en suis restée abasourdie….
Alors merci de transmettre tes humeurs, tes photos, continue !
Ton article est émouvant et je partage malheureusement la même expérience, j’ai aussi perdu mon papa à 21 ans. C’est l’un des pires jours de ma vie avec celui où son médecin nous a annoncé que le temps était compté et que la médecine ne pourrait l’aider… Mais à 19 ans j’étais loin de m’imaginer ce que le futur me réserverait… Je n’ai jamais pu entendre que j’allais perdre mon père, ce héros, qu’il ne serait plus là pour les autres premières fois (l’obtention de mon diplôme après le bac, le déménagement dans mon 1er studio à Paris, mon 1er travail, la rencontre avec mon copain (celui avec qui on sait qu’on sera heureuse), mon déménagement loin de ma région, mon quart de siècle). Mais il n’a pas été là pour un des jours les plus important, mon PACS, il n’aura pas pu rencontrer ceux que j’appelle mes beaux parents… J’ai perdu mon père un soir d’été, j’ai senti le sol se dérober sous mes pieds… Pour tous ces jours importants où il n’est pas là, j’ai un pincement au coeur, ça fait 5 ans… Je n’accepte pas sa perte, c’est un deuil trop difficile, mais je vis avec, j’ai des hauts et des bas, je pense à lui toujours les jours. Mais je ne vais pas poser de chrysanthèmes le 1er novembre, au risque de choquer. J’achète une rose blanche, comme pour le jour de son décès, à chaque occasion qui fait résonance pour moi, son anniversaire, sa fête, une date importante… Je crois qu’il est important de respecter les croyances qu’on a tous et toutes dans ces moments là, tant que ça a du sens pour soi. Je comprend par exemple ma grand mère qui se rend dans son petit village à cette période pour rendre son hommage à sa mère et sa grand mère… ce n’est pas pour autant que j’en oublie l’héritage donné par ma culture. A chacun son petit truc pour penser à ceux qui ne sont plus là… et qui nous permette d’avancer malgré le chagrin des jours tristes. Je t’envoie de douces pensées.
Ton article est si touchant et bouleversant… je n’ais même pas les mots pour exprimer à quel point tu m’as émue à travers cet article…
Très touchant cet article ! Je n’ai pas de mots pour te soulager mais je te soutiens dans ton deuil…
Je comprend ce par quoi tu es passée. J’ai perdu mes deux parents, ma mère est décédée quelques semaines avant mes 18 ans, le 22 décembre 2010, et mon père est décédé le 22 Juin 2014. Tu as raison, on nous parle d’Halloween mais de la Toussaint. Faire son deuil est loin d’être simple. contrairement à toi, je n’ai pas vu de psychologue par choix. Je compatis à ta douleur, c’est difficile de faire le deuil d’un parent. C’est l’un de nos piliers dans la vie qui disparait.
Comme toi aujourd’hui je me dis que se sera pas mon père qui m’emmènera à l’autel quand je me marierai, comme toi mes parents ne m’ont pas vu obtenir des diplômes, ma mère n’était déjà plus là lorsque j’ai eu mon bac, et mon père n’était plus là lorsque j’ai obtenu ma licence. Ma mère est décédée d’un infarctus, personne n’avait rien vu venir, elle était handicapée et on a rien vu. J’ai senti mon père se renfermer, et il a fini par tomber malade à son tour 3 ans après le décès de ma mère. Il est décédé des suites d’un cancer, je l’ai vu lutter contre la maladie durant un an, avec des périodes de rémission. Je pense que ton père a voulu te protéger, c’est évidemment. Affronter la maladie, le voir malade et savoir ne t’aurais peut être pas aider dans ton processus de deuil. Moi j’ai vécu toutes les étapes de la maladie de mon père et ça ne m’a pas aidé, ça m’a juste laissé un sentiment de colère face aux médecins. On vit tous le deuil de façon différente. On ne met pas tous le même temps à passer au dessus, et au final on n’en sort jamais vraiment, on ne fait que vivre avec.
Je te souhaite beaucoup de courage dans ton travail de deuil.
SI ça t’intéresse, j’ai écris un article à ce sujet sur le webzine Les Plumettes : http://les-plumettes.com/deuil-toussaint-novembre/